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Un blog de tous les jours pour vous aider à regarder ce que vous ne voyez peut-être plus !

Il était une fois « Une femme » (36)

Il était une fois « Une femme » (36)

Assise songeuse face à sa fenêtre Mayanna regarde la neige tomber . Elle aime l' hiver . Un vent d' enfer claque sur les murs de la maison , elle se sent bien  emmitouflée dans sa couverture de laine.

Le bois crépite dans le grand foyer . Engourdie par la chaleur , les yeux-mi-clos elle a cette impression d' être encastrée pour longtemps dans son divan . Il fait si bon . Son livre glisse doucement sur le plancher , elle s' est endormie .

Le silence .

...

-- Bonjour mon enfant !

-- Bonjour grand-mère .

-- Comme le ciel est clair , il fut un temps ou les anciens regardaient le ciel pour prendre les grandes décisions . Maintenant en nos temps modernes il est très rare que le regard se tourne vers cette immensité sans fin. On a tellement de réponses , beaucoup trop , elles n' ont plus la valeur sacrée , celle de l' âme . Aujourd'hui on se bouscule dans nos réponses , vraies, fausses , on ne sait plus . La tête est remplie de suggestions qui neutralisent la pensée, ces pensées suggérées qui ne nous appartiennent plus . Ce sont celles de tous . L' intuition a perdu son sens . L` être est si mélangé , si perdu . Les informations se succèdent à un rythme effrayant .  La prison de l' esprit  s' est imposée , c' est triste . Ne plus décider , juste suivre , être comme les autres  . Le soi s' est perdu dans le vortex d' un tout , de l' ensemble . La liberté de la pensée n' est plus , elle a disparu il y a si longtemps , même moi je ne me souviens plus . Trop de temps est passé .

--Grand-mère , ou es-tu ?

-- Ici mon enfant , ici .

Mayanna sursaute , on frappe à la porte , elle ne comprend pas .

--Mais ou suis-je . Elle frotte son visage, passe les mains dans ses cheveux . On frappe plus fort , d' un pas précipité elle se dirige vers la porte . Bandit aboie, Onix collé le long de sa jambe aimerait bien savoir ce qui se passe .

-- Bonjour Madame, excusez-moi de vous déranger est-ce que je pourrais emprunter votre téléphone ma batterie est à plat et ma voiture s' est enlisée .

Elle se demande ou elle l' a laissé la dernière fois . Entrez et refermez la porte s' il vous plaît , il fait un froid de canard .

-- Oh ! Excusez-moi .

Elle réfléchit un court moment , il est dans la bibliothèque . 

-- Asseyez-vous sur cette chaise je reviens . L' homme ne demande pas mieux, ca fait bien une heure qu' il essai de sortir sa voiture du fossé  . Elle lui tend le téléphone  .

--Voulez-vous un café ? l' homme acquiesce il est complètement gelé .

--Allô ! Est-ce qu' il serait possible d' envoyer une remorque , je suis enlisé , impossible de faire bouger ma voiture . Quoi ? Vous n' en avez aucune à votre disposition . Mais ce n' est pas possible .Très bien , je vais attendre votre appel , merci !

-- Voulez-vous bien me dire pourquoi vous êtes sur la route par un temps pareil ?

-- J' étais chez un ami , il habite à deux heures de route d' ici vers l' est , je croyais pouvoir rentrer à l' hôtel avant la nuit , la neige s' est intensifiée et voilà le résultat . Est-ce que je peux me servir de votre téléphone pour appeler ma femme , elle va s' inquiéter.

-- Faites donc ! 

-- Merci ! Allô Deborha , non, non, ça va ne t' inquiète pas . Je me suis enlisé et j' attends un retour d' appel pour une remorque, je ne sais pas à quel moment elle sera disponible . Je te redonne des nouvelles aussitôt que j' en ai . Annule l' avion , impossible de partir ce soir . Oui, je t' aime aussi , à tout à l' heure .

--Tenez , votre café . Enlevez vos bottes et passez à la cuisine, c' est plus confortable .

-- Je ne voudrais surtout pas vous déranger .

-- Pas de problème .

Elle glisse deux napperons sur l' îlot et l' invite à s' assoir . Elle le regarde et se dit qu' il doit être dans la mi- trentaine .

-- Vous habitez où sans vouloir être indiscrète .

-- Aux États-Unis , dit-il un sourire dans la voix . Je suis en voyage avec ma femme , présentement elle est à l' hôtel avec les enfants , on devait prendre l' avion ce soir mais je crois que ce ne sera pas possible.

-- J' ai déjà habitée New-York .

--Vraiment ? Qu' est-ce que vous y faisiez .

-- Traductrice à l' international . et vous ? 

-- Scientifique , les fonds marins , les lacs, les rivières . Je suis venu rencontrer un ami qui travaille aussi dans le domaine , j' aimerais acquérir un terrain dans la région et il en a quelques uns à vendre , alors on discute .

-- En hiver ? C' est plutôt particulier , 

-- Je sais , c' est le seul moment ou je pouvais me libérer pour signer les papiers , je voyage beaucoup et vous devinez la suite .

Bandit renifle l' étranger , il se méfie , il se demande bien qui il est et ce qu' il vient faire dans sa chaumière par une journée pareille . L' homme se penche et lui caresse la tête " Hello le toutou , que tu es beau " Bandit est tout heureux , il ne semble pas être un ennemi . Onix se retrousse sur ses pattes arrières , regarde l' homme droit dans les yeux et repart en se léchant la patte . " Bof , c' est un gars comme un autre " il s' allonge sur son coussin et s' endort .

-- C' est très accueillant chez-vous .

-- Merci ! Le téléphone sonne , tous les deux tendent la main en même temps .

-- Allô , un instant je vous le passe .

-- Nous serons là dans environ trois heures, on ne peut pas faire mieux .

-- Très bien merci, je vais attendre , je n' ai pas vraiment le choix .

-- Je peux retourner à ma voiture si vous préférez , je ne suis qu' un intrus après tout !

-- Je vous invite pour le souper , je ne peux tout de même pas vous jeter dehors par un temps pareil .

-- Je ne sais comment vous remercier , vous me sauvez la vie . Mayanna le regarde du coin de l' œil , c' est qu' il a le sens de l' humour .

-- Je vais regarder ce que je peux nous préparer , vous n' êtes pas trop difficile j' espère .

-- Je ne peux pas me payer ce luxe , dit-il en riant .

-- Des pâtes ça vous dit ? 

-- J' adore les pâtes .

Mayanna descend au sous-sol chercher dans le congélateur les tomates pour la sauce , il lui reste du basilic,  pesto , champignons , des poitrines de poulet sauté , ça va aller . Elle remonte en haut il a disparu , elle se rend compte qu' elle ne lui a même pas demandé son prénom . Elle dépose son butin sur l' îlot et l' aperçoit dans le salon , assis son livre à la main .

-- Je vous ai dérangé n' est-ce pas ?

-- Je flânais tout simplement . Je m' appelle Mayanna et vous ? 

-- Excusez mon impolitesse , Louï , je m' appelle Louï . Avez-vous besoin d' aide pour préparer le repas ? Je n' ai rien d' un grand cuisinier mais je me débrouille assez bien . 

-- Vous pourriez couper les champignons et déchiqueter le basilic .

-- Mayanna regarde louï , il lui rappelle quelqu' un , elle a cette impression de l' avoir déjà vue , elle n' est pas certaine , ( Soupir ) . Elle fredonne une chanson , tout à coup Louï la regarde abasourdi .

-- Cette chanson je la connais , même que je la connais très bien , c' est vous , c' est vraiment vous ! Je suis le fils de Sénienne , j' étais là à la Sierra Gorda lors de votre accouchement . J' avais douze ans à l' époque , je me souviens de votre tristesse , ma mère s' occupait de vous . Elle vous aimait tellement .Je n' en reviens pas , le monde est si petit . Je venais souvent m' assoir  près de vous sur la plage , en silence . Vous sembliez si fragile, si démunie . Vous fredonniez toujours cette chanson . Louï est tellement excité qu' il a tout dit d' un trait .

Mayanna ne bouge pas , de longs frissons parcourent son corps , elle sait maintenant pourquoi il lui semblait familier. Le jeune garçon qui la suivait partout est le fils de Sénienne , elle ne le savait pas , elle était tellement prisonnière de sa douleur, qu' elle ne voyait rien, n' entendait rien et voilà qu' il est là , dans sa cuisine à faire des pâtes avec elle . Mayanna s' effondre sur le banc en pleurant . Louï la prend dans ses bras comme le faisait Sénienne , et sans un mot la serre très fort . Elle sent sa présence rassurante , la même qu'il lui apportait inconsciemment à la Sierra . Elle sait pourquoi maintenant elle avait réussi à passer à travers son chagrin , c' était le fils de Sénienne qui l' avait épaulé tout ce temps , en respectant son silence , lui et Sénienne . Elle ne savait même pas qu' il était son fils . Là maintenant elle s' en veut de cet aveuglement , que veut dire tout ceci, que sont tous ces gens qui reviennent dans sa vie , comme un miracle, comme un baume , comme une renaissance .

-- Je suis si confuse Louï , jamais à cette époque je n' ai même demandé votre prénom tout comme aujourd' hui, jamais je ne vous 'ai demandé qui vous étiez  et encore moins que vous reviendriez sur ma route . Quel bonheur de vous revoir ."  Louï ne dit rien, il la regarde , il n' en revient juste pas , il secoue la tête comme pour essayer d' ajuster ses pensées "

-- Seigneur , comment se fait-il que je sois ici aujourd' hui , par quel hasard la vie m' a t`elle conduite jusqu' à votre maison , c' est tout simplement incroyable . Ma mère , il faut que j' en parle à ma mère , elle va être si contente .

Assis tous les deux face à face sur une chaise, ses longs doigts appuyées sur la nappe de lin  , Mayana est sous le choc . Elle regarde ses pieds , ces pieds qui l' ont conduite vers cette destination de paix et d' amour ." Tu es béni des dieux " Pense t' elle . Lentement elle revient dans la réalité et devant elle le jeune homme la regarde , et ces yeux, tout aussi lumineux qu' en ce temps de souffrance et d' amertume . ces yeux qui lui procuraient chaleur et réconfort .

-- Merci Louï , merci pour tout ce que tu as fait pour moi . excuse-moi de te tutoyer c' est plus fort que moi, tu m' es si familier 

Il ne sait quoi dire . Il n' a fait que la suivre , par intuition , par instinct , il avait senti sa peine , il voulait à  tout prix l' aider .

Mayanna relève la tête . lui sourit .

-- Et si on préparait le souper . Et on se tutoie ? 

-- Avec grand plaisir et puis je meurs de faim .

-- Assis à la table ils parlent de ce temps , si floue dans la tête de Mayanna, si présent dans celle de Louï .

-- Tu sais, j' ai retrouvé mon fils , Edward , il est charmant .

-- Vraiment ? Comme je suis content pour toi . Après l' adoption tu n' étais que l' ombre de toi-même .J' en parlais à ma mère et elle me répondait " Elle va s' en sortir , elle est plus forte qu' elle ne l' imagine , un jour elle reverra son fils " Elle avait raison . Je n' ai jamais oublié ce temps .

Quelques heures passèrent et la sonnerie du  téléphone retentit , ils sursautèrent .

-- Allô , quoi ? Vous ne pouvez pas venir ? Mais je dois absolument rentrer à l' hôtel ce soir . Très bien, très bien, je comprends .

-- Que se passe t' il ?

-- Ils n' y voient rien, les routes son bloquées . 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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